jeudi 6 mars 2014

Le pouvoir de choisir


Avec le 8 mars à nos portes, les médias inondent les papiers et les ondes de portraits de femmes… de préférence publiques qui dans les hautes sphères gravitent, des femmes performantes qui ont fait carrière et brisé le plafond de verre, des femmes avec des postes à hautes responsabilités mais chichement rémunérées (on oublie souvent de le mentionner), des femmes qui ont osé et excellé dans des métiers réservés aux hommes par le passé, des directrices qui ne comptent plus leur sacrifice, et d’incroyables indétrônables  se sentant toute la légitimité de s’exclamer que ; ‘’Le pouvoir est à la portée des femmes’’, ‘’qu’il faut qu’elle cesse d’avoir peur’’,  ‘’qu’elles doivent impérativement gagner en confiance et estime d’elles’’… des mantras de droguées de la compétition, de l’ambition et de l’ascension … bien loin de la maison ! Si je me retiens de fulminer, je dois reconnaitre que j’aurai adoré lire des articles sur toutes les beautés des femmes, leurs talents, leurs dévouements … parce que j’ai davantage la sensation d’assister à un procès, une mise au banc des accusées; l’étalage de ce que nous ne sommes pas encore, de ce que nous lambinons à faire, le vieux carcan des femmes apeurées, hésitantes, emplies de doutes, timides, et ainsi de suite.

Pourtant les femmes autour de moi sont magnifiques; pimpantes adolescentes ou ridées expérimentées, elles travaillent, entraident, initient, contribuent, soutiennent nombre de réalisations professionnelles, familiales, collectives ou personnelles, en plus bien souvent de veiller sur leur communauté. Certes l’air du temps est aux marchés financiers, à la compétition et aux gains, mais les autres métiers n’en sont pas moins désuets. En quoi administrer des services du secteur de la santé, de l’éducation ou d’une maisonnée est moins porteur ou plus facile que celui d’un institut financier ? Nombre de femmes combinent de multiples occupations  et multiplient les mandats à l’intérieur d’une même journée… à quand un petit peu d’intérêt pour cette réalité ? D’où vient ce genre d’idées préconçues, énonçant que les femmes manquent de confiance et d’assurance ? Quelle femme est d’accord avec ce type d’information ? Peut-être que les femmes se retrouvent moins à certains types de postes, mais est ce forcément la faute des méchants hommes et des faibles femmes aux montées d’hormones ou plutôt parce que ce type de parcours implique des choix qui ne leurs conviennent pas? Chaque fois qu’une femme effectue un choix, prend une décision intime, elle use de son pouvoir et pas forcément de son manque d’estime. Chaque fois qu’elle prend soin de quelque chose ou de quelqu’un, qu’elle aide, qu’elle veille, qu’elle enseigne, qu’elle éduque ou qu’elle soigne, même si c’est très traditionnel, elle sème une graine…. Une graine d’espoir, pour un monde meilleur, plus juste, plus sain, plus heureux, plus équitable … pas toujours rentable. Elle use de son pouvoir pour créer le monde à l’image de sa vision, de ces envies, de ses possibles, de ses rêves et ses espoirs, de ses valeurs et de sa conscience… de ce qui fait sens.

Lorsqu’on passe sa vie à assurer un minimum de dignité aux personnes âgées, auprès d’enfants malades ou handicapés, de fratries pleines de vie, je crois qu’il faut être incroyablement courageuse,  persévérante, déterminée et sûre de soi… peut-être encore davantage que pour créer des alliances, signer des contrats ou faire fructifier des colonnes de chiffres négatifs !
Mais l’idée ici n’est pas de décrier une profession au profit d’une autre, mais plutôt de d’oser demander; à quand à l’équité ? A quand, la possibilité d’exercer le métier qui nous plait, sans avoir à prouver sa valeur, sa nécessité et le cœur que l’on y met. Oui des femmes, et des hommes aussi, ont du mener des batailles pour une certaine égalité, et je les en remercie de pouvoir en bénéficier. Mais l’égalité et l’équité sont des choses bien différentes.

Quant à moi, je suis ravie d’élever mes enfants… même si c’est un métier qui ne compte pas vraiment. Sans vacance, sans salaire, sans parlementaire, sans confrère j’estime malgré tout que d’ici 20 ans j’aurai fait fructifier plusieurs talents et avec un peu de chance obtenu un bon rendement !

Pour terminer, j’aimerai partager une petite anecdote. Un jour, alors que nous étions en Mauritanie avec mon compagnon, une situation m’a donné à réfléchir. Certes la Mauritanie est connue pour ces différentes pratiques barbares à l’encontre des femmes, mais quand même. Après avoir sillonné pendant des heures, plusieurs dizaines de kilomètres de pistes en plein désert, nous avons enfin trouvé le campement nomade que nous cherchions. Comme chaque fois notre arrivée a suscité une petite agitation et fidèles à leur sens de l’hospitalité les femmes se sont rapidement mise à faire bouillir de l’eau pour le thé tout en nous expliquant que les hommes étaient absents, car ils étaient partis voter. Mon esprit de jeune occidentale n’a pu s’empêcher de tempêter intérieurement et mon cœur de s’indigner. Pourtant au fil des jours passés en leur compagnie, force a été de constater que si les hommes votaient sur papier, les femmes décidaient de la tournure des journées; elles élèvent les enfants, s’occupent du bétail et des échanges commerciaux, prennent part aux discussions quant aux déplacements du clan et vivent en harmonie avec les hommes du campement. Je ne dis pas qu’elles n’ont pas besoin de voter, au contraire, je leur souhaite sincèrement d’avoir accès un jour à cette façon supplémentaire de s’exprimer. Sauf que cela m’a appris qu’à tout vouloir uniformiser, on en oubli la spécificité, l’unicité, le pouvoir de chacun. La possibilité de chacun à faire la différence, à contribuer, à sa façon, à la manière qui lui est propre, en accord avec qui il est.

Il y a une très grande nuance entre avoir le pouvoir de faire des choses et vouloir le pouvoir.

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