dimanche 10 août 2014

À mort, la mort


Je sais bien que ça ne se peut pas, mais je voudrai que la mort n’existe pas. Qu’elle ne rode pas, qu’on ne la sente pas, qu’elle ne soit pas là. Je voudrai ne pas l’appréhender, ne pas la côtoyer, ne pas avoir à en parler, gâcher une belle journée qui avait bien commencé. Je voudrai qu’elle ne fasse pas peur, lorsque sonne son heure. Pourtant, il en va autrement. La mort fait partie de la vie, il en est ainsi.
Même si je sais que l’on peut s’en relever, je me demande quand même si on peut l’apprivoiser… faire la paix avec l’idée.
Parce que je veux y croire, faire vivre l’espoir… je parle de la mort avec mes enfants, pour continuer de faire exister ceux qui ont vécu avant. Je ne leur cache pas et je ne fais pas comme si de rien était, lorsque celle-ci vient frapper. J’essaie d’en profiter pour cultiver la sérénité.
Je me suis souvent dit qu’apprivoiser la mort par le biais d’un animal, ferait moins mal. Ainsi ils étaient là lorsque nous avons enterré notre chien et plus récemment un petit poussin. Nous avons souvent observé des animaux décomposés dans la forêt, reconstitués des squelettes éparpillés, déposé au pied d’un arbre des porc-épics, renards ou ratons laveurs, frappés au milieu du chemin et abandonnés sans respect ni pudeur. Je me dis qu’en appréhendant ce cycle de vie, naturellement, candidement, à grand renfort de gestes naturels et de rituels, ils seront peut-être mieux préparés, moins effrayés, offusqués.
Mais en fait je n’en sais rien du tout et je doute parce qu’on a beau connaître le cycle de la vie, on est jamais vraiment près à ce que ce soit fini.
C’est ce que je me disais hier en tenant notre petit poussin dans mes mains. Il avait froid, tremblotait, je ne savais pas quoi faire pour l’aider. Je l’ai caressé, je lui ai parlé, l’ai remercié pour tout ce qu’il avait fait vivre aux enfants tout à leur enchantement de jouer avec des poussins qui n’arrêtaient pas de piailler, de voleter et d’égayer la maisonnée. Ce matin c’était fini, la vie était partie. Mon homme a tenté de relativiser; ‘’Avec une fermette il va y avoir du roulement, on fera peut-être pas chaque fois un enterrement’’, son idée c’était surtout de protéger les enfants. Mais je n’aime pas faire semblant, changer les idées pour s’empêcher de penser… oublier. Alors j’ai fait un dernier nid, pour notre poussin refroidi, et suis allée le déposer au pied d’un grand arbre qui veillerait sur lui… sur moi, sur nous, sur ma trâlée, de qui je voudrai être tellement sûre de ne jamais être séparée.
Parce que finalement ce n’est pas vrai, on ne s’en remet jamais tout à fait… on s’habitue seulement à vivre amputée. Mais ça je ne sais pas si je peux oser l’avouer. Se serait perdre la foi en la vie … celle que je veux transmettre à mes petits.

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