lundi 19 décembre 2016

Solstice d’hiver; la fermeture d’un cycle

Tout nous l’indique; les fêtes de fin d’année, l’arrivée des grands froids, les longues nuits… tout doucement l’année s’achève, un peu comme une vieille femme qui doucement tire sa révérence, s’en va sur la pointe des pieds, laissant derrière elle seulement l’empreinte de ce qu’elle aura été.
Mais avant de s’en aller complètement, il y aura fêtes, célébrations, réflexions, partages, compréhension et transmission afin de fermer un cycle et de se préparer à en ouvrir un nouveau. Le solstice nous offre une pause, une pause au cœur de la grande noirceur, le temps d’aller voir comment se porte notre lumière intérieure. C’est un grand moment pour boucler notre aventure, prendre la pleine mesure de ce que nous avons vécu, assembler nos pas, tisser une grande courte pointe de tout ce qui nous a animé au cours de l’année.

À l’image des cycles menstruels qui animent les femmes, tout notre être est en hiver, momentanément replié du monde, recroquevillé sur lui-même, le temps de s'octroyer du repos. Le temps aussi de prendre conscience des mois et saisons écoulés, d’accueillir ce qu’ils nous ont enseigné et d’intégrer ces nouveaux savoirs. C’est un moment intuitif, rempli de sensible parce qu’il est propre à chacun et qu’il est garant d’une transmission comme le fait la grand-mère à ces petits enfants, la sorcière à la vierge, l’hiver au printemps.

Ainsi l’an dernier nous avons instauré un nouveau rituel pour le solstice, plutôt ce sont les enfants qui l’ont imaginé ! Ils ont joué sur la corde sensible qu’est mon affection des célébrations ; « On pourrait célébrer la nuit la plus longue de l’année, en veillant aussi longtemps que l’on veut !!! » Alors on a descendu les matelas dans le salon afin de veiller cette longue nuit qui s’offrait à nous. Mais avant on va jouer dehors; admirer les volutes blanches que font naitre nos rires, s’ébrouer dans la neige, écouter le crissement de nos pas dans le froid, caresser les animaux et finalement s’assoir sur la galerie et observer les grandes épinettes sous le clair de lune. Ces grandes épinettes, immenses, pleines de branches, d’aiguilles, de cocotes remplies de graines, avec des sections noueuses et d’autres plus lisses. Ces grandes épinettes toujours là, debout, semblant résister à tout. Et alors nous prenons conscience que nous aussi nous sommes toujours là; parfois nous ployons sous le vent, les peurs, les doutes, les chicanes, puis nous nous redressons, accueillons les saisons avec leur lot de semailles, de récoltes, d’amour, de réalisations, de fiertés, d’entraide, de deuils, de difficultés à honorer et apprivoiser. C’est un moment de grande contemplation, dans lequel s’entremêlent la plénitude, les regrets, la confiance, la résignation, l’espoir. De nombreux espaces et émotions qui font que nous sommes qui nous sommes et avançons sur le chemin qui est le notre, parfois sous l’éclat du soleil, d’autres fois dans l’ombre ou même le noir total, mais toujours avec notre lumière intérieure… notre petite flamme à qui il arrive de vaciller, qu’il nous faut protéger à l’occasion, mais qui est là, encore une fois, encore une année. Et si les enfants pressés de rentrer savourer un chocolat chaud avec des biscuits, avant de se lancer dans une longue nuit de jeux et de films, mettent parfois précipitamment un terme à mes réflexions, pour moi le cheminement se poursuit jusqu’à la nouvelle année. Comme une longue prière, je retourne sur mes pas, visite certains recoins, panse mes plaies, pleure ce qui a besoin de l’être, couche sur papier ou brule ce qui a besoin de plus d’éclats ou de fracas, coupe, élague et laisse aller, magnifie, honore. C’est une danse lente, parfois souffrante. Un moment de grand recueillement et de partage aussi. C’est l’immense privilège d’un ultime voyage, la contemplation d’une œuvre inachevée, la preuve que je suis en vie… encore.


Et l’air de rien pendant cette introspection, cette plongée au cœur de mes noirceurs, ce tangage d’une rive à l’autre, ces tergiversations avec moi-même, les jours agrandissent, lentement, doucement et avec eux les germes de nouvelles graines, de nouveaux possibles, de créations à venir. Arrive alors, ce moment magique ou l’on sens les ailes de la confiance s’agiter au creux de notre ventre et battre dans notre cœur, alors doucement le cycle ce boucle pour en faire naitre un nouveau. Un nouveau où tout est possible !

Bon Solstice !

Pour en savoir plus sur les rituels à venir www.chemins-de-traverse.ca

dimanche 11 décembre 2016

Rituel d’écriture; des voeux en blessing way pour la nouvelle année !

Ce matin j’ai renoué avec un rituel mis de côté depuis trop longtemps… celui d’écrire à mes grands-parents !
Avec la fin du marché de Noël, le rythme ralentissait, la cadence s’apaisait.
Les enfants jouaient… et puis on était dimanche et le dimanche je ne fais pas la cuisine, pas de ménage, pas de lavage.
J’avais donc du temps… au moment ou un rayon de soleil s’est glissé sur le coin de la table alors que je terminais mon café.
Ça m’a rappelé que j’avais des cartes à écrire, des vœux à offrir, des rêves à partager, la paix à souhaiter. Dans la lumière du rayon de soleil, ce serait parfait !
Mais j’avais envie d’un plus grand moment, envie de m’abandonner, de me laisser aller, surtout de me déposer.
Alors j’ai écris à mes grands-parents ! Mes grands-parents de l’autre côté de l’océan.

Parce que oui, je suis fille d’immigrant.
Petite fille apportée, transplantée dans une nouvelle contrée, réenracinée, réenlignée.
Et pour combler cet espace trop grand entre moi et mes grands-parents j’ai pris l’habitude de leur écrire;
… écrire pour partager, rassurer, raconter.
… écrire pour leur faire découvrir
… écrire pour être entendue, me confier
… écrire pour garder les liens vivants
… écrire pour les assurer que je les aimais, que je les oublierai jamais.
Je leur ai écrit des pages et des pages de mots enfilés comme un collier, témoignant de ce que je vivais. Une sorte de chapelet égrené au fil du quotidien. Des mots choisis, assemblés, tissés en une sorte de prière. Celle de demeurés liés malgré ce maudit océan, d’être ensemble un certain temps, par le biais des mots couchés, des émotions infusées, des larmes imbibées sur le papier.
Ce rituel je l’ai maintenu pendant des années … pendant des dizaines d’années.
Et puis le temps s’est accéléré, les factures de téléphone sont devenues plus faciles à payer, puis skype s’est immiscé …
Je n’ai plus écrit, l’immensité de l’océan s’est rétrécit et notre intimité aussi.

C’est ce que j’ai ressenti aujourd’hui… après avoir écrit 3 pages sans avoir encore donné de nouvelles des enfants, des rénos ou du boulot. J’avais arpenté toutes ces pages comme on fait une promenade en forêt. Je m’étais racontée doucement, humblement, patiemment. M’arrêtant pour trouver le bon mot, suivre une idée, patienter pour découvrir ce que cela cachait. Je n’écrivai plus à mes grands-parents, je parlais avec mon âme. Je prenais le temps d’observer où j’en étais, d’écouter ce que mon essence me chuchotait, de mettre ensemble toutes les perles des mois passées et d’assembler mon collier. J’étais en train de retrouver un sentier oublié. J’étais en train de me déposer, de reprendre mon souffle après un automne effréné. Et tout ça je le faisais dans la confiance d’un clan, celle de mes grands-parents. Une sorte de blessing way différé. J’avançais, sans trop savoir vers quoi, sans but précis, sans objectif défini, mais surtout sans le silence et la solitude d’un journal intime, d’une écriture automatique ou d’une page destinée à être brûlée. J’avançais à pas feutrés, en toute sécurité dans l’espace tissé ente mes grands-parents. Dans cet espace où je me savais écoutée, non jugée, respectée, je tissais une passerelle vers moi-même dont ils étaient les témoins, les gardiens.

Aujourd’hui en leur écrivant, en faisant fi de ce maudit océan, j’ai réalisé à quel point mes grands-parents sont présents ; présents à chacun de mes pas pour me soutenir, me bénir
*, m’écouter, m’assurer, m’apaiser. Alors que je voulais leur écrire pour les rassurer, les empêcher de s’inquiéter, les occuper … occuper un peu de cette éternité qui semble parfois ne plus finir à force de vieillir, les désennuyer un instant, être à leurs côtés comme si de rien était malgré cet océan … ce fichu océan qui m’empêche, d’aller les visiter, de voir leurs arrières petits enfants plus souvent, de cuisiner pour eux, de faire leur lavage ou leur ménage même un dimanche et qui pourtant aujourd’hui m’a permis d’écrire encore une fois, de me rapprocher sur la pointe des pieds, comme on tisse un blessing way, comme on offre un souhait.

Alors cette année dans mes cartes de voeux je vais me promener. Prendre le temps d’aller à la rencontre de la personne à qui j’écris, à la rencontre de qui je suis. Une façon d’être consciente, déposée, inspirée et de faire de ce temps de l’année un temps de souhaits, de paix, de sérénité, partagée, incarnée à lire et relire pour ne jamais oublier de tisser par delà l’océan, par delà les tourments.
Un blessing way pour la nouvelle année !

* le blessing way est un rituel visant à célébrer les pas à venir d'une personne, afin que celle-ci puisse avancer dans la confiance d'un clan, dans la "bénédiction", la bienveillance et le soutien de celui-ci.
Rituel Navajo à la base, ce sont surtout les blessings ways en lien avec le passage de l'accouchement qui se sont fait connaitre au fil du temps. Mais chez les Navajos les blessings ways interviennent à de nombreuses reprises au fil de la vie, afin de supporter les différents passages. 

* Pour plus d'infos sur différents rituels www.chemins-de-traverse.ca

* l'image est issue du site www.chemin-de-conscience.com
de  Nathanaëlle Bouhier-Charles auteurs du livre : Rituels d'aujourd'hui pour célébrer la grossesse et la naissance




dimanche 27 novembre 2016

SPM; Libérer la fureur

Il y a quelques jours une amie m’a partagé la publicité d’un parfum en la renommant « Délire prémenstruel »
On y voyait une femme s’apprêtant à entamer un défilé de monde.
Le décor est léché, lisse, parfait, l’ambiance guindée à souhait !
Puis les consignes alentour se muent en un bourdonnement.
La femme cligne des paupières, signe ultime de son changement d’état.

La fluidité laisse place à des mouvements rapides et saccadés.
La femme grimpe aux murs tel un animal sauvage.
Chacun de ses pas qui martèle le sol donne lieu à des éclairs.


Voilà comment je me sens depuis deux jours; une curieuse envie de foudroyer tout ce qui croise mes pas, bouge autour de moi !
Pourquoi? Je ne sais pas.
C’est arrivé comme ça, sortit de nul part, pour rien; accompagnée d’une furieuse envie de hurler, de griffer, de graffigner !
Tout à coup tout me heurtait, m’offusquait, m’irritait.
Je voulais juste m’en aller, partir, loin, battre en retraite plutôt que battre quelqu’un.
Mais je ne l’ai pas fait, la journée était chargée.
Alors j’ai ravalé, respiré, rabroué…
Je me suis contenue, confondue, jusqu’à m’écrouler en fin de journée; vidée, achevée.
Ouf la vague était passée.

Les mois précédents l’Enchanteresse m’avait habitée avec subtilité. Je faisais l’expérience de l’intuition alors que là je flirtais avec la destruction …

Pourtant une fois les enfants couchés, bientôt débarrassée de cette maudite journée, la bête est revenue. J’ai été prise d’une envie de me relever, me relever et balancer des assiettes sur le plancher ! Des piles et des piles, les unes après les autres, les voir se rompre, voler en mille morceau au contact de la céramique et libérer dans leur  fracas toute la colère accumulée en moi. Toute ma tension, ma frustration, mon insatisfaction.
De quoi ? Je ne sais pas.
Mais je savais que la boule de fureur qui logeait en moi devait être évacuée, libérée ne me fasse trop peur, trop de torpeur, trop de frayeur. Par chance Morphée est vite passée, mettant fin à mes idées destructrices qui auraient mis en péril notre déjeuner !!!
Ainsi le lendemain a commencé doucement, puis le rythme s’est accéléré et avec lui la bête s’est repointée. Prise dans une frénésie de ménage j’étais de nouveau en furie… en sursis.
Alors que d’ordinaire les maisons aseptisées me puent au nez, là j’avais des envies militaires; organiser un régiment et procéder à un rangement… un grand ! Que plus rien ne traine, ne dépasse, ne sente ou ne bouge ! C’est alors que sentant que l’atmosphère étant en train de surchauffer, l’homme est sortit de sa tanière demandant ce qu’il pouvait faire.
Alors je me suis vue comme cette femme animale, sauvage, à grimper aux murs et balancer des éclairs, marteler mes pas sur le plancher et projeter du feu à chacune de mes enjambées telle une dragonne déchainée, fulminante, pleine de pouvoirs insoupçonnés. La bête était de nouveau réveillée, revenue au galop, prise de rage, d’une envie de détruire, de fuir, de courir !
Libérer de l’énergie
Libérer de l’énergie
Libérer de l’énergie
Évacuer avant d’exploser … mais de nouveau ce n’était pas la bonne journée. Elle aussi était pleine à craquer.

Comme souvent c’est mon amie Isis qui m’a ramenée, ramenée dans mon intégrité, dans ma légitimité, dans ma créativité.
Mon amie Isis à qui j’ai dompé ma culpabilité de me sentir dans cet état, tandis que je suis en train de l’accompagner illico à son traitement de chimio. Parce que franchement mes petits états d’âme à côté de ce qu’elle vit c’est n’importe quoi. Et pourtant elle m’a rappelé que c’était son combat. Ça m’a raplombée un tantinet mais ça ne m’a pas empêcher de m’enrager, de m’énerver, de m’indigner de ma belle maison, avec mes beaux enfants, notre bonne santé pendant qu’il n’y a plus de vie en Syrie, que les Sioux meurent de  froid dans le Dakota, que le clown commence sa fiesta, sans parler de tout ce qu’on ne sait même pas! Et là c’était plus fort que moi, j’étais en train de lever le ton, de m’énerver, de bouger mes mains de tous les côtés, de décliner le chapelet au grand complet. !!! J’étais fâchée, coupable, pleine de ressentiment qui grondait par en dedans et de nouveau cette envie de fuir, de détruire … pendant que mon amie se bat pour ne pas mourir.
Puis Isis me dit : « Tu sais quand tu parles comme ça, de la tension dans ton corps,… il y a quelque chose là, tu devrais danser, le libérer ! » Et vlan ! Dans les dents ! Les mots sont doux, mais la claque magistrale et ça fait mal ! Parce que oui, maudit, le moton est pris … pris par en dedans !
La voilà qui continue; «  Tu le dis à la yourte dans des ateliers, il faut trouver une façon d’évacuer, de créer, de libérer les tensions accumulées, inventer un chemin de guérison , une porte de sortie pour renouer avec la vie. »
Mon amie Isis qui s’en va à son traitement de chimio de la musique dans les oreilles, des couleurs plein son sac avec toute sa sérénité continue de me partager « Pis tu sais, dessiner sans penser, frotter le papier, gratter, déchirer, brûler, ça fait tellement de bien, tu devrais essayer !» Elle savait que je savais. Elle me prenait juste par la main, pour me remettre sur mon chemin… celui que j’avais perdu, parce que je n’avais pas bien regardé où je mettais les pieds, trop occupée à avancer. Je l’écoutais comme quelqu’un qui nous raconte une histoire oubliée … comme si avec ses mots je me rappelais, me remémorais, me souvenais.

Puis nous sommes arrivées, alors je l’ai déposée… en même temps que ma culpabilité de ne pas l’accompagner, mon jugement de ne pas faire autrement. Alors je me suis dit que je n’irai pas faire l’épicerie en l’attendant, je ne continuerai pas à faire semblant. Pendant qu’on allait affliger à son corps et à son âme un traitement de guère je n’allais pas rester là à rien faire … à me nier, à m’oublier. La yourte m’appelait, ça battait dans mon cœur comme une urgence, une exigence; me rapprocher de mon essence.
À peine arrivée j’ai saisi les hochets et les ai secoués, battus comme jamais et j’ai crié, hurlé, dansé… tellement que mon périnée a lâché … une femme sauvage dans toute sa lâcheté.
Tant pis j’ai recommencé, encore et encore, crié, hurlé, libéré ma furie, sorti l’énergie ! Puis ce fut au tour de mes cordes vocales de lâcher… pourtant je n’avais pas terminé. Il en restait encore, encore de cette fureur longtemps endormie, mais à présent réveillée, encore de cette dragonne déchainée. Alors j’ai sauté, j’ai trépignée, j’ai louvoyé, j’ai grogné, rampé, je me suis déhanchée, désarticulée, démembrée… libéré quelque chose qui était emmuré pour finalement tomber, épuisée. Épuisée et émerveillée devant cette porte qui venait de s’entrouvrir; ma fureur était partie alors que mon corps avait pris vie !
Histoire d’être bien certaine d’avoir tout évacué et parce que je pensais à Isis j’ai sorti les pastels gras, étendu du noir, du noir avec du rouge, tapé, barbouillé, gratté, respiré, respiré encore, ça y est c’était passé. Alors j’ai pris mon tambour et j’ai chanté, remercié




Épilogue
Le lendemain je me suis levée le corps lourd, fatigué, le moral en miette, la larme facile.
La fureur de l’enchanteresse faisait doucement place à la sensibilité de la sorcière. Lentement, mes pas me conduisaient au grand saignement, la possibilité d’intégrer l’enseignement, de me recueillir, de cueillir ce que je venais de réaliser, la possibilité de boucler un cycle et de me régénérer.
Renaitre de ses cendres comme le Phoénix, oser descendre, descendre, parfois toucher le fond, puis remonter lentement, doucement vers la lumière, quitter la sorcière et devenir rivière, fière.

Pour celles qui aimeraient mieux comprendre les différents périodes de leur cycle ainsi que les énergies qui les accompagnent en lien avec les 4 grands archétypes, le prochain atelier calendrier lunaire aura lieu ce samedi 3 décembre à la yourte (région de Rimouski)
http://www.chemins-de-traverse.ca/ateliers-et-conferences/


Pour celles qui lisent Femmes qui courent avec les Loups de Pinkola Estes
Je vous invite à lire ; le passage en lien avec la rage.



jeudi 27 octobre 2016

Se retirer

J’arrive d’une retraite, une retraite pour laquelle j’ai eu bien du mal à me décider… une retraite pour laquelle il m’a fallu  beaucoup d’appui et de détermination pour me permettre et oser y aller… une retraite suffisamment longue pour laisser un calendrier annoté à ma trâlée, des rendez-vous à ne pas oublier, des cases à barrer pour le petit dernier ! Une retraite tellement loin que trois avions aurons été nécessaire pour y parvenir, plusieurs boites de mouchoirs  afin d’éponger les débordements et ébranlements que cela a généré.
Et surtout, il aura fallu que je déploie ce que je déploie normalement pour les autres, que je joue sur des cordes sensibles, que je chausse des souliers oubliés depuis bien longtemps, que j’exhume le sac à dos de mes 20 ans et le pire; que j’assume. Que j’assume de partir délibérément, de choisir consciemment de laisser derrière moi ma tribu … celle sur laquelle je veille nuit et jours depuis 15 ans, celle dont j’essaie de préserver la liberté tout en lui insufflant de la stabilité … celle qui est toute ma vie.

Ainsi je suis partie.
Et comme pour éprouver mon choix, le voyage a eu son lot de complications; ennuis météo, connexions ratées, refus d’embarquement, barrière de la langue, stress des douanes… et pourtant j’y suis arrivée !
Arrivée à destination !
Arrivée au moment réel du lâcher prise.
Arrivée à débrancher mon celle, Fb et mes courriels.
Arrivée à faire confiance le jour où mon petit dernier vomissait ses trippes alors que je me trouvais à des milliers de km de lui.
Arrivée à me déposer, à écouter ce qui montait en moi.

Pendant des jours et des jours j’ai marché. J’ai marché nus pieds sur la Terre rouge. J’ai marché dans ma tête, dans mon cœur et dans mon âme. J’ai côtoyé mes peurs et mes espoirs, mes réalisations et mes rêves, mes deuils et mes blessures, mes faiblesses ainsi que mes forces et talents. J’ai marché en silence avec moi-même, en écho avec ma tribu… celle que j’avais laissée à la maison, celle qui m’avait précédée, ainsi que celle qui cheminait à mes côtés.

J’ai marché sans être interrompue, des jours durant, seule, veillée par la lune, sans autre soucis que de remonter le fil de ma vie, de nouer et dénouer à souhait, de tisser ce que mes pas m’inspiraient. Ce qui au début m’effrayait est devenu peu à peu une nouvelle façon de me contempler, de m’apprécier, de m’honorer. Je me suis aperçue sous de nouveaux éclairages, j’ai chanté et dansé, oser laisser mon corps s’exprimer comme jamais, gouté à ce féminin sauvage, prêté l’oreille à de faibles murmures, sombré dans certaines brèches, senti le soleil sur ma peau et j’ai trouvé … trouvé ce que j’étais allée chercher.


J’aurai certainement pu aller moins loin et peut-être partir moins longtemps puisque telle que le raconte de nombreuses légendes, tout ça était logé au fond de moi. Mais le fait de n’avoir rien d’autres à penser, de pouvoir complètement m’abandonner a certainement contribué à l’intensité de ce qu’il m’a été donné de toucher. Avec tout ce qu’il avait fallu mobiliser pour me permettre cette retraite je me suis sentie privilégiée. Privilégiée de pouvoir momentanément me lier uniquement et complètement à moi, parce que nous les mères, les femmes sommes souvent des piliers sur lesquels tout le monde compte. Et à force de tout porter à bout de bras on en oubli de prendre soin de soi…

Aussi si le cœur vous en dit, si au fond de votre ventre une petite voix appelle, tendez l’oreille… une heure, une après-midi, une journée, une semaine, un mois, peu importe. Asseyez-vous, écoutez-vous, permettez-vous de récolter, de recoller, d’accueillir et de chérir, ce qui vous traverse, vous habite et fait de vous un être unique… une personne à part entière, une mère, une femme, une âme dont l’essence a besoin d’être mise au monde, reconnue même si quelques temps perdue de vue, et enfin déployée, affirmée, partagée dans une conscience et fierté renouvelée … pour ainsi accoucher de vous, de cette portion invisible qui depuis tout ce temps chemine et constitue cette part de nous même qui porte notre « mission de vie », notre contribution au monde, la réalisation de qui nous sommes.


Cet article est d'abord paru sur le site de Marie-Noëlle avec laquelle je suis heureuse de collaborer de temps à autre : http://www.marginaleetheureuse.com/2016/10/12/se-retirer-retraite/