jeudi 27 octobre 2016

Se retirer

J’arrive d’une retraite, une retraite pour laquelle j’ai eu bien du mal à me décider… une retraite pour laquelle il m’a fallu  beaucoup d’appui et de détermination pour me permettre et oser y aller… une retraite suffisamment longue pour laisser un calendrier annoté à ma trâlée, des rendez-vous à ne pas oublier, des cases à barrer pour le petit dernier ! Une retraite tellement loin que trois avions aurons été nécessaire pour y parvenir, plusieurs boites de mouchoirs  afin d’éponger les débordements et ébranlements que cela a généré.
Et surtout, il aura fallu que je déploie ce que je déploie normalement pour les autres, que je joue sur des cordes sensibles, que je chausse des souliers oubliés depuis bien longtemps, que j’exhume le sac à dos de mes 20 ans et le pire; que j’assume. Que j’assume de partir délibérément, de choisir consciemment de laisser derrière moi ma tribu … celle sur laquelle je veille nuit et jours depuis 15 ans, celle dont j’essaie de préserver la liberté tout en lui insufflant de la stabilité … celle qui est toute ma vie.

Ainsi je suis partie.
Et comme pour éprouver mon choix, le voyage a eu son lot de complications; ennuis météo, connexions ratées, refus d’embarquement, barrière de la langue, stress des douanes… et pourtant j’y suis arrivée !
Arrivée à destination !
Arrivée au moment réel du lâcher prise.
Arrivée à débrancher mon celle, Fb et mes courriels.
Arrivée à faire confiance le jour où mon petit dernier vomissait ses trippes alors que je me trouvais à des milliers de km de lui.
Arrivée à me déposer, à écouter ce qui montait en moi.

Pendant des jours et des jours j’ai marché. J’ai marché nus pieds sur la Terre rouge. J’ai marché dans ma tête, dans mon cœur et dans mon âme. J’ai côtoyé mes peurs et mes espoirs, mes réalisations et mes rêves, mes deuils et mes blessures, mes faiblesses ainsi que mes forces et talents. J’ai marché en silence avec moi-même, en écho avec ma tribu… celle que j’avais laissée à la maison, celle qui m’avait précédée, ainsi que celle qui cheminait à mes côtés.

J’ai marché sans être interrompue, des jours durant, seule, veillée par la lune, sans autre soucis que de remonter le fil de ma vie, de nouer et dénouer à souhait, de tisser ce que mes pas m’inspiraient. Ce qui au début m’effrayait est devenu peu à peu une nouvelle façon de me contempler, de m’apprécier, de m’honorer. Je me suis aperçue sous de nouveaux éclairages, j’ai chanté et dansé, oser laisser mon corps s’exprimer comme jamais, gouté à ce féminin sauvage, prêté l’oreille à de faibles murmures, sombré dans certaines brèches, senti le soleil sur ma peau et j’ai trouvé … trouvé ce que j’étais allée chercher.


J’aurai certainement pu aller moins loin et peut-être partir moins longtemps puisque telle que le raconte de nombreuses légendes, tout ça était logé au fond de moi. Mais le fait de n’avoir rien d’autres à penser, de pouvoir complètement m’abandonner a certainement contribué à l’intensité de ce qu’il m’a été donné de toucher. Avec tout ce qu’il avait fallu mobiliser pour me permettre cette retraite je me suis sentie privilégiée. Privilégiée de pouvoir momentanément me lier uniquement et complètement à moi, parce que nous les mères, les femmes sommes souvent des piliers sur lesquels tout le monde compte. Et à force de tout porter à bout de bras on en oubli de prendre soin de soi…

Aussi si le cœur vous en dit, si au fond de votre ventre une petite voix appelle, tendez l’oreille… une heure, une après-midi, une journée, une semaine, un mois, peu importe. Asseyez-vous, écoutez-vous, permettez-vous de récolter, de recoller, d’accueillir et de chérir, ce qui vous traverse, vous habite et fait de vous un être unique… une personne à part entière, une mère, une femme, une âme dont l’essence a besoin d’être mise au monde, reconnue même si quelques temps perdue de vue, et enfin déployée, affirmée, partagée dans une conscience et fierté renouvelée … pour ainsi accoucher de vous, de cette portion invisible qui depuis tout ce temps chemine et constitue cette part de nous même qui porte notre « mission de vie », notre contribution au monde, la réalisation de qui nous sommes.


Cet article est d'abord paru sur le site de Marie-Noëlle avec laquelle je suis heureuse de collaborer de temps à autre : http://www.marginaleetheureuse.com/2016/10/12/se-retirer-retraite/

samedi 22 octobre 2016

L'halloween; rituels pour apprivoiser la mort

Ça y est à force de belles journées ensoleillées et d’envolées d’oies blanches, les forts vents d’automne vont emmener les derniers jours d’octobre et avec eux le magnifique cortège de couleurs, de récoltes et d’abondance.

L’halloween sera alors à nos portes avec sa ribambelle d’enfants plus ou moins effrayants, de sorcières, squelettes et autres créatures d’outre tombe. Une belle allégorie pour nous rappeler qu’avec novembre il nous faudra vivre avec la mort, la côtoyer de près ou de loin.

La nature est sans doute la première à nous dessiner le chemin. Après un déluge de courges et de légumes racines, une apothéose de couleurs, de promenades endiablées, la voilà qui doucement laisse aller ses plus beaux autours et se dépouille, laissant aller ce qui jusqu’à ce jour faisait toute sa splendeur. Le froid aidant, les feuilles vont virer au brun, puis tomber au sol. Alors peut-être pourrions nous profiter de la sagesse que nous inspirent les arbres pour honorer nous aussi les fabuleuses beautés des mois passés et ensuite laisser aller tout ce dont nous n’avons plus besoin. Accepter le départ de ce qui n’est plus. Avec le changement d’heure la nuit arrivera de plus en plus tôt, initiant une descente dans nos noirceurs. Ce sera l’occasion de descendre au fond de nous, à la rencontre de nos zones d’ombres et de nos peurs. La possibilité d’une intériorité parfois souffrante et pourtant ressourçante. Une invitation à ralentir le rythme en prévision de ce long hiver à venir.

L’Halloween c’est aussi la possibilité de célébrer la mort, de la raconter, de l’apprivoiser.
C’est l’occasion idéale pour en parler à nos enfants, avoir une pensée pour ceux que nous aimons mais ne voyons plus, cheminer vers l’idée qu’un jour ce sera notre tour. On peut également s’intéresser à ce qui est mort en nous; ce que nous avons laissé tomber ou abandonné au fil du temps, ces parties de nous qui n’existent plus à défaut de temps ou d’être choisies, ces espaces malmenés que nous évitons… les pertes de nos vies. Le temps est venu de contempler la fin d’un cycle au dehors comme au dedans, dans l’assurance d’un nouveau à venir.

Un peu plus concrètement vous pourriez vous réunir au cimentière en famille ou entre amis puis aller boire un chocolat chaud. C’est une belle façon de revisiter nos souvenirs, de marcher sur nos pas, de converser avec ceux qui nous manquent et ceux bien présents. C’est aussi la possibilité d’instaurer un nouveau rituel, un ancrage familiale en plus de défaire des tabous; parler de la mort sans que ce soit une tragédie, aborder des sujets qui nous intimident où nous effraient, répondre aux interrogations de nos enfants, se remémorer les bons moments autant avec un parent qu’un animal qui nous était vraiment précieux ou un moment marquant de notre vie. Ce temps de réflexion et d’abandon peut en devenir un de transmission doublé de la possibilité de tisser d’autres liens.

On peut également dresser un centre de table, faire une guirlande, dessiner un mandala avec ce que nous inspire cette période. Ces moments créatifs contribueront à faire taire notre mental afin d’avoir accès plus facilement à nos émotions, notre essence, ce qui nous touche et nous anime.  Cuisiner peut également s’avérer une bonne manière de prendre du temps pour explorer nos recoins négligés. Touiller le fond du chaudron en même temps que l’on remue nos idées, touche le fond … comme le fond "ces femmes hirsutes du fond de leur antre délabré". Ou alors, le fait de popoter contribuera à vous réconforter lorsque la grisaille s’appesantit dehors. Bien installée au chaud, quel plaisir de mitonner, de touiller jusqu’à ce que la maison embaume d’odeurs réconfortantes, garantes du plaisir de vivre, de la gratitude que nous éprouvons.

S’assoir, contempler, méditer, lire et écrire sont d’autres façon de ralentir, de prendre notre pouls intérieur, de danser avec les vagues que la noirceur nous afflige, d’accueillir nos peurs … en sachant que tout passe. Ces moments de transition pourront s’appuyer sur les vertus de différentes plantes telles que l’éternelle lavande pour préserver notre calme et faciliter le sommeil, la cannelle chaude et réconfortante, la sauge, le thym et la menthe ajoutées d’un soupçon de miel qui en plus de vous réconforter contribueront à soutenir votre système immunitaire. Vous pourrez également apprécier la chaleur des pierres en massage ou celle d’un bon bain ! Sans oublier de sortir vos aiguilles à tricoter, carrés de chocolat et livres d’histoires à raconter !

Une fois de plus c’est l’occasion de se lier à la nature, à l’écho qu’elle génère en nous, à la possibilité d’exister en sororité (liée au grand tout) et d’apprivoiser notre sorcière oubliée, ses pouvoirs tus, cette intuition venue de plus profond de nous … la petite voix qui est la notre.


Pour celles qui seront dans le coin je vous invite à la Tente rouge ; Femme et Sorcière, 
vendredi 28 octobre, à la yourte, 20 $ !
Pour info www.chemins-de-traverse.ca
Crédit photo http://s-t-a-r-gazer.deviantart.com